Syndrome de la queue de cheval
Description
Le syndrome de la queue de cheval (SQC) survient lorsque des racines nerveuses situées dans le canal vertébral au niveau de la colonne lombaire sont comprimées. La fonction motrice et sensitive du périnée, de la vessie, des intestins, ainsi que des membres inférieurs, peut être atteinte. Cette compression peut résulter de toute lésion occupant de l'espace dans le canal vertébral lombaire. Il pourrait s'agir par exemple d'une hernie discale, d'une tumeur, d'une infection, de fragments osseux résultant d'une fracture, etc (Dionne et al.,2019; Greenhalgh et al., 2018).
Le syndrome de la queue de cheval est rare, mais il est important de reconnaître la condition, car elle constitue une urgence médicale. En effet, sans traitement chirurgical rapide, les symptômes peuvent devenir permanents et entraîner des répercussions importantes sur la qualité de vie des gens atteints.(OrthoInfo, 2023; Healthline, 2023).
Anatomie
La colonne vertébrale est composée de trente-trois vertèbres : sept vertèbres cervicales, douze vertèbres thoraciques, cinq vertèbres lombaires, cinq vertèbres sacrales et quatre vertèbres coccygiennes. Au centre de la colonne vertébrale, se trouve le canal vertébral qui contient la moelle épinière.


L'extrémité distale de la moelle épinière (aussi nommée le cône médullaire) se situe généralement au niveau des vertèbres lombaires L1/2. Ce sont des racines nerveuses provenant de cette extrémité qui poursuivent leur chemin en descendant dans le canal vertébral avant d’en ressortir à différents niveaux pour aller innerver les viscères pelviens, la région du périnée et les membres inférieurs. Ces dix-huit à vingt racines nerveuses lombaires et sacrées constituent la queue de cheval. Ce regroupement de nerfs a été nommé ainsi à cause de sa ressemblance à une queue de cheval (Dionne et al.,2019).
Données populationnelles
Puisque les signes et symptômes du SQC varient, il n'existe actuellement aucun consensus sur la définition exacte de ce syndrome (Woodfield et al., 2022). De plus, d'autres conditions médicales peuvent présenter certains symptômes semblables à ceux du SQC, rendant le diagnostic réel difficile sans imagerie par résonnance magnétique (IRM). (Greenhalgh et al., 2018; Woodfield et al., 2022). Malheureusement, ceci signifie qu'il est difficile de déterminer les données populationnelles exactes.
Présentement, l'incidence rapportée se situe entre 1 par 33 000 et 1 par 100 000 annuellement, selon les critères diagnostiques utilisés (Finucane et al., 2020).
Le SQC semble survenir plus fréquemment chez les femmes que chez les hommes et le groupe le plus à risque est âgé de 30 à 49 ans, peu importe le statut socioéconomique.(Woodfield et al., 2022)
Pathogenèse
La compression de la queue de cheval peut résulter de toute lésion occupant de l'espace dans le canal vertébral lombaire. Cependant, ce sont les hernies discales qui sont la cause la plus fréquente. En effet, 2 % des hernies discales lombaires résultent en un SQC (Dionne et al.,2019) et L4/5 est le niveau vertébral le plus fréquemment affecté. (Greenhalgh et al., 2018)
D'autres causes potentielles du SQC incluent : (Dionne et al.,2019; American Association of Neurological Surgeons, 2023)
- Une tumeur spinale
- Une sténose spinale lombaire
- Des fragments osseux résultant d'une fracture à la colonne lombaire
- Une hémorragie sous-durale, épidurale ou sous-arachnoïdienne
- Un kyste spinal
- Une infection
- Une chirurgie spinale
- Des anomalies congénitales vertébrales

« Hernie discale lombaire comprimant la queue de cheval »
Signes et symptômes
Il y a peu de consensus dans la littérature sur la définition précise du SQC. Cependant, cinq caractéristiques sont régulièrement reconnues : (Dionne et al.,2019)
- Douleur lombaire et sciatique unilatérale ou bilatérale au niveau des membres inférieurs.
- Diminution de la sensation dans la région de la selle (nommée ainsi, car cette région du périnée serait celle qui serait en contact avec la selle si on était assis sur le dos d'un cheval).
- Fonction urinaire altérée (par exemple incontinence, augmentation de la fréquence urinaire, difficulté à initier la miction, changement du flot urinaire, rétention urinaire).
- Diminution du tonus du sphincter anal pouvant résulter en une difficulté à retenir les flatulences et/ou une incontinence fécale, une incapacité de ressentir l'envie d'aller à la selle.
- Une dysfonction sexuelle.
Il est à noter que les signes et symptômes du SQC sont souvent vagues et discrets initialement et qu’ils ne progressent pas selon un schéma prévisible, rendant difficile le diagnostic clinique précoce dans le développement de la condition. Les symptômes les plus souvent rapportés sont la douleur, une diminution de la sensation dans la région de la selle, ainsi qu'une fonction urinaire altérée. (Dionne et al.,2019)
Puisque la présentation clinique du SQC est variable, la probabilité que la condition se détériore, la rapidité et le niveau ne sont pas connus en ce moment.
Démarche et outils diagnostiques
Un diagnostic rapide ainsi qu'une intervention chirurgicale d'urgence sont impératifs afin de minimiser les importantes séquelles évitables d'un SQC.
Deux éléments sont particulièrement importants quant au diagnostic de cette condition, notamment :
- L'examen clinique (examens subjectif et objectif) pour détecter la présence de drapeaux rouges.
- L'IRM (imagerie par résonnance magnétique) pour confirmer la compression de la queue de cheval.
1. L'examen clinique :
L'examen subjectif est l'élément le plus important de l'évaluation, particulièrement tôt dans le développement de la condition. Par la suite, un examen objectif est essentiel pour vérifier l'intégrité des structures neurologiques.
Afin de mieux guider les professionnels de la santé à dépister des conditions vertébrales nécessitant une attention médicale particulière telles que le SQC, un cadre de référence international des drapeaux rouges pour les pathologies spinales potentiellement graves a été élaboré en 2020 par Finucane et al.
Celui-ci est disponible gratuitement à l'adresse suivante : https://www.jospt.org/doi/epdf/10.2519/jospt.2020.9971
Les drapeaux rouges sont des signes et symptômes clés indiquant la présence possible d'une pathologie grave sous-jacente.
Malgré leur manque de précision diagnostique lorsqu'employés individuellement, les drapeaux rouges sont le meilleur outil que possèdent les cliniciens pour le dépistage du SQC lorsqu'ils sont utilisés en combinaison avec l'histoire actuelle des patients et un examen objectif approprié (Dionne et al.,2019; OrthoInfo, 2023; Finucane et al., 2020).
Les drapeaux rouges associés au SQC incluent :
- Une douleur lombaire et sciatique unilatérale ou bilatérale au niveau des membres inférieurs
- Une diminution de la sensation dans la région de la selle
- Une fonction urinaire altérée
- Une diminution du tonus du sphincter anal
- Une incontinence fécale
- Une dysfonction sexuelle
- Une diminution de la sensation dans le territoire des dermatomes du quadrant inférieur
- Une faiblesse anormale au niveau de myotomes du quadrant inférieur (muscles clés)
- Une diminution des réflexes du quadrant inférieur
Il est primordial d'instaurer une communication claire et sans ambiguïtés entre le professionnel de la santé et le patient. Les questions posées au sujet des signes et symptômes devraient être spécifiques et la gravité du SQC devrait être communiquée au patient en termes simples. La communication entre les professionnels de la santé et les patients peut être sous-optimale pour plusieurs raisons, telles que : (Greenhalgh et al., 2016)
- La gêne d'aborder des sujets délicats comme l'incontinence, la fonction sexuelle et la sensation dans la région du périnée.
- Le jargon médical utilisé.
- Le manque d'explication du lien entre les questions du professionnel de la santé et la douleur ayant mené le patient à consulter font en sorte que ce dernier ne comprend ni l'importance, ni la pertinence de ces questions. Par exemple, le patient pourrait se demander pourquoi on lui pose des questions au sujet de sa continence urinaire alors qu'il consulte pour une douleur lombaire.
- La douleur que ressentent les patients est souvent importante et ils ont parfois de la difficulté à porter attention à ce qu'on leur demande ou à l'information qu'on leur fournit.
Malheureusement, une mauvaise communication peut entraîner des conséquences significatives.
Pour s'assurer que les patients comprennent bien les signes et symptômes du SQC, ainsi que l'importance de se rendre à l'urgence rapidement s'ils les développent, des cartes informatives ont été publiées afin que les professionnels de la santé puissent les remettre aux patients. Celles-ci ont été traduites en 29 langues et sont disponibles gratuitement sur le site de l’IFOMPT (International Federation of Orthopedic Manual Physical Therapists). (IFOMPT,2023; Musculoskeletal Association of Chartered Physiotherapists, 2023)


Vous pouvez accéder à la version PDF imprimable de ces cartes à l'adresse suivante : https://www.macpweb.org/Resources/92af1767-8b35-45aa-b388-82806c2eae10
2. L'imagerie par résonnance magnétique
L'imagerie par résonnance magnétique reste le meilleur indicateur pour diagnostiquer le SQC. Ce test diagnostique peut fournir des images tridimensionnelles de la moelle épinière, des racines nerveuses et des tissus environnants afin de déterminer objectivement la présence d’une compression de la queue de cheval. (Dionne et al.,2019)
Puisqu'il n'y a pas de critères diagnostiques définitifs, ni de consensus au sujet de la définition exacte du SQC, la British Association of Spinal Surgeons en offre une qui peut être utile en pratique clinique :

A patient presenting with acute back pain and/or leg pain...with a suggestion of a disturbance of their bladder or bowel function and/or saddle sensory disturbance should be suspected of having a CES. Most of these patients will not have critical compression of the cauda equina. However, in the absence of reliably predictive symptoms and signs, there should be a low threshold for investigation with an emergency scan.
(Greenhalgh et al., 2018; Germon et al., 2015)
Traduction française :
« Un SQC devrait être soupçonné chez tout patient ayant une douleur aiguë au niveau lombaire et/ou des membres inférieurs… ainsi qu'une possible altération de la fonction vésico-sphinctérienne et/ou une altération de la sensation dans la région de la selle. La majorité de ces patients n'auront pas de compression importante de la queue de cheval. Cependant, en l'absence de signes et symptômes prédictifs d’un SQC, le seuil appliqué devrait être très peu élevé avant de recommander une investigation par IRM d'urgence. »
Le seuil de recommandation peu élevé menant à une investigation par IRM est important en raison des signes et symptômes variables de la condition, ainsi que des autres problèmes de santé pouvant présenter des signes et symptômes semblables. Citons par exemple des comorbidités telles que l'hyperplasie bénigne de la prostate ou encore les effets secondaires de divers médicaments. Une étude de Greenhalgh et al., (2018) a révélé qu'il n'est pas rare que seulement 10 % des IRM effectuées pour des SQC soupçonnés soient positifs. Cependant, les cliniciens ont le devoir envers leurs patients d'exclure le SQC comme cause potentielle de leurs symptômes.(Greenhalgh et al., 2018)
Traitement
Afin de minimiser le risque de séquelles du SQC, une décompression chirurgicale de la queue de cheval devrait être réalisée le plus rapidement possible. Idéalement, la décompression devrait être faite moins de 48 heures après l'apparition des premiers signes et symptômes. Une chirurgie après ce délai peut tout de même être bénéfique, mais le risque de déficits sensoriels et moteurs résiduels permanents est accru (American Association of Neurological Surgeons, 2023).
Le SQC peut avoir des conséquences physiques et émotionnelles considérables chez les gens qui en sont atteints. Il se peut que certains requièrent des suivis à long terme pour traiter les séquelles du SQC, telles que la douleur neurogénique, des pertes sensorielles, une faiblesse ou une paralysie, une incontinence urinaire et/ou fécale ainsi qu'une dysfonction sexuelle (IFOMPT, 2023).
Les séquelles varient d'une personne à l'autre selon la sévérité du SQC, ainsi que le temps écoulé entre l'apparition des symptômes et la décompression chirurgicale. Le traitement dépendra donc des séquelles qui doivent être traitées. Le suivi médical pourrait inclure :
- De la physiothérapie pour les déficits musculosquelettiques.
- Des consultations médicales et en réadaptation périnéale pour apprendre à gérer les problèmes d'incontinence et la dysfonction sexuelle.
- De l'ergothérapie pour les modifications éventuellement nécessaires au domicile de la personne (par exemple barres d'appui dans la salle de bains, banc de bain/douche, siège de toilette surélevé, fauteuil roulant, etc.).
- Un traitement pharmacologique pour la gestion de la douleur.
- Un suivi psychologique pour gérer les répercussions du SQC sur la qualité de vie.
(American Association of Neurological Surgeons, 2023)
Pronostic
Puisque cette condition est relativement rare, il existe peu de données au sujet du pronostic général. (American Association of Neurological Surgeons, 2023). On estime cependant qu'une personne sur cinq ayant un SQC nécessitera des traitements à long terme pour de la douleur chronique, des dysfonctions urinaires et/ou fécales, une dysfonction sexuelle ainsi que pour les répercussions psychologiques associées à ces problèmes (Dionne et al., 2019; American Association of Neurological Surgeons, 2023).
Références
- Dionne, N., Adefolarin, A., Kunzelman, D., Trehan, N., Finucane, L., Levesque, L., et al., (2019). What is the diagnostic accuracy of red flags related to cauda equina syndrome (CES), when compared to Magnetic Resonance Imaging (MRI)? A systematic review. Musculoskelet Sci Pract, 42, 125–33.
- Greenhalgh, S., Finucane, L., Mercer, C., Selfe J. (2018). Assessment and management of cauda equina syndrome. Musculoskelet Sci Pract, 37, 69–74.
- (2023). Cauda Equina Syndrome. Récupéré de https://orthoinfo.aaos.org/en/diseases--conditions/cauda-equina-syndrome/
- (2023). Cauda equina. Récupéré de : https://www.healthline.com/human-body-maps/cauda-equina#1
- Woodfield, J., Lammy, S., Jamjoom, AAB., Fadelalla, MAG., Copley, PC., Arora, M., et al., (2022). Demographics of Cauda Equina Syndrome: A Population-Based Incidence Study. Neuroepidemiology, 56(6), 460–8.
- Finucane, LM., Downie, A., Mercer, C., Greenhalgh, SM., Boissonnault, WG., Pool-Goudzwaard, AL., et al., (2020). International Framework for Red Flags for Potential Serious Spinal Pathologies. Journal of Orthopaedic & Sports Physical Therapy, 50(7), 350–72.
- American Association of Neurological Surgeons. (2023). Cauda Equina Syndrome.
- Greenhalgh, S., Truman, C., Webster, V., Selfe J. (2016). Development of a toolkit for early identification of cauda equina syndrome. Prim Health Care Res Dev, 17(06), 559–67.
- (2023). Cauda Equina Warning Credit Cards. Récupéré de : https://www.ifompt.org/Research+and+Resources/OMPT+Frameworks+and+Clinical+Resources/Cauda+Equina+Warning+Credit+Cards.html
- Musculoskeletal Association of Chartered Physiotherapists. (2023). French - Cauda Equina Syndrome information card. Récupéré de : https://www.macpweb.org/Resources/92af1767-8b35-45aa-b388-82806c2eae10
- Germon, T., Ahuja, S., Casey, ATH., Todd, N V., Rai A. (2015). British Association of Spine Surgeons standards of care for cauda equina syndrome. The Spine Journal, 15(3), S2–4.