Trouble développemental du langage

Anglais : Developmental Language Disorder (DLD)

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Description

Anciennement connu sous les noms de dysphasie et de trouble primaire du langage, le trouble développemental du langage (TDL) se caractérise par des difficultés de degrés variables qui interfèrent avec les activités de la vie quotidienne de façon importante et qui concernent la compréhension et l’expression orale, notamment au niveau de la phonologie, de la morphologie, de la syntaxe, de la sémantique et de la pragmatique.

(Association Dysphasie +, n.d.; Association québécoise des orthophonistes et audiologistes [AQOA], n.d.; Breault et al., 2019; Centre d’évaluation neuropsychologique et d’orientation pédagogique [CENOP], n.d.; Duval, 2020; Dysphasie Québec, n.d.; Ellemberg, n.d.; McGregor et al., 2020; Raising Awareness of Developmental Language Disorder [RADLD], 2019)

Données populationnelles

Le TDL touche entre 7 et 8 % de la population et est l’un des troubles neurodéveloppementaux les plus fréquents. Dans la moitié des cas, un parent proche (père, mère, frère, sœur) est aussi atteint de difficultés langagières. Les garçons sont deux à trois fois plus touchés que les filles par ce trouble.

(AQOA, n.d.; Département d’orthophonie de l’hôpital pour enfants, Ellemberg, cités dans Association Dysphasie +, n.d.; Ellemberg, n.d.; Norbury et al., cités dans RADLD, 2019; Tomblin et al., Bishop et al., cités dans Laasonen et al., 2018; Touzin et Leroux, cités par Dysphasie Québec, n.d.)

Étiologie

Bien que de nombreuses pistes aient été explorées par les chercheurs, les causes du TDL demeurent difficilement identifiables. Les chercheurs s’entendent toutefois pour dire que la présence d’un trouble émotionnel ou d’un traumatisme, le style parental, la nervosité, la timidité ou un manque d’intelligence n’en sont pas responsables.

Les écrits convergent vers le fait que des facteurs génétiques et neuropsychologiques en sont à l’origine. Le TDL est présent dès la naissance et une transmission héréditaire est manifeste dans la moitié des cas. On remarque aussi une activité cérébrale anormale ainsi que des structures dysfonctionnelles dans l’hémisphère gauche du cerveau chez une personne atteinte de TDL.

(Dysphasie Québec, n.d.; Laasonen et al., 2018; Li et Bartlett, cités dans Laasonen et al., 2018; RADLD, 2019; Romagny, cité dans Association Dysphasie +, n.d.)

Facteurs de risque 

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Les écrits recensent certains facteurs de risque associés au TDL :

  • Être de sexe masculin
  • Enfants de moins de deux ans ayant un langage expressif limité (late-talker) ainsi que de pauvres habiletés de compréhension orales et gestuelles
  • Avoir des antécédents familiaux de difficultés langagières
  • Être le plus jeune enfant d’une grande fratrie
  • Avoir des parents peu scolarisés
  • Avoir eu des difficultés périnatales
(Breault et al., 2019; Rudolph, cité dans Bishop et al., 2017)
 

Signes et symptômes

Ce trouble affecte à différents degrés plusieurs composantes du langage, et ce, dans les deux versants (réceptif et expressif).

Les signes de TDL sont décelés dans le discours oral de l’enfant, et se répercutent dans les habiletés sociales et écrites, car les processus de lecture et d’écriture découlent du langage oral. On note habituellement des difficultés sur le plan :

  • Phonologique, où l’enfant présente des difficultés dans la production de la parole qui sont d’origine linguistique et non motrice.
  • Lexical, selon lequel l’enfant n’arrive pas à employer le mot juste, ne retient pas les nouveaux mots et ne reconnaît pas les synonymes.
  • Morphosyntaxique, pour lequel l’enfant utilise une structure de phrase inhabituelle et montre des difficultés à comprendre les phrases plus longues et complexes.
  • De l’accès lexical et de la sémantique, c’est-à-dire que l’enfant a du mal à produire des mots lorsqu’il en connaît le sens (manque du mot) ou lorsqu’il n’en connaît pas le sens (difficultés sémantiques). L’enfant atteint aura un vocabulaire restreint et comprendra difficilement le sens des mots et des phrases. Cela affecte particulièrement la compréhension des mots abstraits (p. ex. la plupart), interrogatifs (p. ex. qui) et des termes spatiotemporels (p. ex. la semaine prochaine).
  • Pragmatique, où l’enfant pourrait montrer des difficultés à adapter son langage en fonction du contexte linguistique.
  • Discursif, car l’ensemble des difficultés susmentionnées auront des effets sur les capacités de l’enfant à produire ou à comprendre un discours.
  • De l’apprentissage verbal et de la mémoire, selon lesquels l’enfant atteint montre des défis à retenir une séquence de sons ou de mots sur une courte période et à faire des associations entre un mot et sa signification.

Les difficultés listées ne sont pas propres au TDL, mais doivent être évaluées et mises en contexte dans le profil global de l’enfant et de son évolution. Les profils langagiers des enfants aux prises avec un TDL sont variables et peuvent aussi être teintés par la présence de multilinguisme et de conditions concomitantes.

(Association Dysphasie +, n.d.; AQOA, n.d.; Breault et al., 2019; CENOP, n.d.; Clinique d’évaluation neuropsychologique et des troubles d’apprentissage de Montréal [CENTAM], n.d.; Duval, 2020; Ellemberg, n.d.)

Conditions associées

Les enfants souffrant de TDL peuvent également être atteints d’autres conditions. Ces atteintes peuvent être cognitives, sensorielles, motrices ou comportementales. Voici la liste des conditions les plus fréquentes. 

Difficultés cognitives :

  • Trouble de l’attention, avec ou sans hyperactivité
  • Young supportive adoption counselor showing a drawing of a house to sad little boy waiting for new loving familyTroubles spécifiques de l’apprentissage (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, etc.)
  • Déficits de la mémoire à court et à long terme ainsi que de la mémoire de travail
  • Trouble d’abstraction
  • Trouble du spectre de l’autisme léger
  • Déficit des fonctions exécutives
Difficultés sensorielles :
  • Hyporéactivité
  • Hyperréactivité
Difficultés motrices :
  • Trouble développemental de la coordination
  • Troubles de la parole qui touchent le développement moteur (p. ex. dyspraxie verbale)
  • Problèmes de motricité (fine ou globale)
Difficultés comportementales :
  • Anxiété
  • Isolement
  • Agressivité
  • Troubles de la personnalité à l’âge adulte
  • Dépression
(Bishop, cité dans RADLD, 2019; Breault et al., 2019; CENTAM, n.d.; Duval, 2020; Ellemberg, n.d.; Laganière et al., 2015; RADLD, 2019)  
 

Démarche et outils diagnostiques

Avant d’arriver à un diagnostic de TDL, il faut éliminer toute autre cause possible des difficultés langagières de l’enfant. C’est pourquoi des évaluations multidisciplinaires sont nécessaires.

Le neuropsychologue évaluera l’enfant quant à :

  • Son fonctionnement intellectuel
  • Ses autres fonctions cognitives (attention, mémoire, etc.)
  • Son profil psychoaffectif
  • Ses capacités langagières
  • Son histoire sur les plans développemental, médical et scolaire

Cette évaluation mènera à :

  • Écarter la présence d’autres pathologies pouvant expliquer les difficultés langagières (p. ex. trouble psychoaffectif, mutisme sélectif, syndrome Gilles-de-la-Tourette)
  • Préciser le profil cognitif de l’enfant
  • Déterminer les conditions qui coexistent avec le TDL (lecture, écriture, attention, etc.)

L’audiologiste est aussi consulté pour écarter un trouble de traitement auditif ou une perte auditive (totale ou partielle).

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L’orthophoniste est habituellement celui qui confirme le diagnostic de TDL, une fois les autres hypothèses écartées. Il procédera à une évaluation complète de la situation. Pour ce faire, il recueillera de l’information sur :

  • Les antécédents médicaux de l’enfant
  • Le développement de la parole et du langage
  • Les antécédents familiaux de difficultés langagières
  • Les symptômes de l’enfant :
    • Âge de début
    • Sévérité
    • Perception des membres de la famille et des éducateurs/professeurs
    • Caractéristiques (p. ex. composantes et modalités affectées)

Les effets des symptômes sur la vie de l’enfant :

  • Émotionnels
  • Cognitifs
  • Sociaux

L’évaluation de l’orthophoniste mènera à :

  • Écarter les difficultés langagières temporaires (retard langagier)
  • Confirmer la présence d’un TDL
  • Établir le profil de l’enfant (forces, défis, sévérité, conséquences, etc.)
  • Préparer le plan de traitement/d’intervention
(APA, citée dans Duval, 2020; APA, Lussier et al., OOAQ, cités dans Breault et al., 2019; AQOA, n.d.; CENOP, n.d.; CENTAM, n.d.; Duval, 2020; Ellemberg, n.d.)
Cet arbre décisionnel illustre le processus de raisonnement clinique menant à l’identification d’un TDL (Traduction tirée de Breault et al., 2019 ; Bishop et al., 2017). 

 

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(Figure traduite tirée de Breault et al., 2017 ; Bishop, 2017)

 

Interventions

Réadaptation

Woman social worker talking to teenage girl. Psychological assistance in adolescence. Mental health of adolescent childrenLe TDL perdure tout au long de la vie de la personne qui en est atteinte. Pour en réduire les effets sur le quotidien, un suivi régulier auprès d’un orthophoniste est recommandé.

L'intervention comprend la résolution de problèmes en collaboration avec les acteurs clés dans la vie de la personne atteinte. L’orthophoniste fournit des informations et des conseils aux patients/clients, à sa famille, à ses enseignants et aux autres personnes importantes concernant son développement et les troubles du langage parlé et écrit dont il est atteint. L’orthophoniste expliquera aussi le déroulement de l'intervention, une estimation de sa durée et le pronostic d'amélioration.

Les buts et les objectifs de l'intervention sont déterminés à partir de l'évaluation. Ils sont revus périodiquement pour déterminer s'ils sont toujours appropriés.

Selon les résultats de l'évaluation et l'âge/le stade de l'enfant ou de l'adolescent, l'intervention porte sur les points suivants :

  • La connaissance et l'utilisation du langage pour comprendre, parler, lire, écrire et penser, y compris :
    • la phonologie et les symboles imprimés (orthographe), pour reconnaître et produire des mots parlés et écrits intelligibles
    • la syntaxe et les relations sémantiques, pour comprendre et formuler des phrases complexes, parlées et écrites
    • le discours, pour comprendre et organiser des textes oraux (raconter un événement, une histoire, décrire des étapes d’une procédure, etc.) et écrits
    • la pragmatique, pour communiquer de manière appropriée dans des situations variées
    • des stratégies métacognitives et d'autorégulation, pour répondre à des demandes complexes en matière de langage.
  • Le langage parlé et écrit, pour les fonctions sociales, éducatives et professionnelles, en mettant l'accent sur la participation à des activités spécifiques considérées comme problématiques pour l'individu.
  • Les facteurs contextuels qui influencent le succès ou la difficulté relative de l'individu dans ces activités.

Les progrès sont mesurés en comparant les habiletés langagières actuelles par rapport à la ligne de base préalablement établie lors de l’évaluation, ainsi qu’avec les résultats scolaires et les observations en classe ou en milieu de travail.

L'intervention se prolonge suffisamment longtemps pour atteindre les objectifs/résultats prévus et prend fin lorsqu'il n'y a plus d'espoir d'obtenir d'autres avantages au cours du stade de développement actuel.

(Association Dysphasie+, n.d.; AQOA, n.d.; CENOP, n.d.; Duval, 2020; Ebbels et al., 2019; Girolametto, Maillart et al., Maillart et Orban, Montgomery, cités dans Duval, 2020 ; ASHA, 2004)

Pronostic

Selon Catalise-2, certains facteurs influenceront le pronostic pour les enfants âgés de cinq ans et plus :

  • Nombreuses composantes atteintes à l’oral
  • Présence de difficultés langagières orales évidentes
  • Présence de difficultés langagières orales en débutant l’école
  • Compréhension orale atteinte
  • Faibles habiletés non verbales
  • Historique familial de problèmes de langage oral ou écrit (pour les enfants âgés de moins de trois ans)
  • Enfant ne communiquant pas à l’aide de gestes ou n’imitant pas les mouvements corporels (pour les enfants âgés de moins de trois ans)

Malgré la persistance du trouble à long terme, plusieurs facteurs permettent de réduire ses effets sur la vie quotidienne. En voici quelques exemples : 

  • Diagnostic précoce du TDL
  • Prise en charge par un orthophoniste
  • Soutien parental
  • Aménagements pédagogiques appropriés
  • Sentiment d’auto-efficacité
  • Entretien de relations sociales
  • Développement des capacités de lecture

Références

American Speech-Language-Hearing Association. (2004). Preferred Practice Patterns for the Profession of Speech-Language Pathology. American Speech-Language-Hearing Association. https://www.asha.org/policy/pp2004-00191/#sec1.3.18

Association Dysphasie +. (n.d.). Qu’est-ce que le trouble développemental du langage (TDL). https://dysphasieplus.com/cest-quoi-%3F

Association québécoise des orthophonistes et audiologistes. (n.d.). Trouble développemental du langage. https://aqoa.qc.ca/trouble-developpemental-du-langage/

Breault, C., Béliveau, M. J., Labelle, F., Valade, F. et Trudeau, N. (2019). Le trouble développemental du langage (TDL) : mise à jour interdisciplinaire. Neuropsychologie clinique et appliquée, 3(1), 46-63.

Bishop, D.V.M., Snowling, M.J., Thompson, P.A, Greenhalgh, T. et the CATALISE-2 consortium. (2017). Phase 2 of CATALISE: a multinational and multidisciplinary Delphi consensus study of problems with language development: Terminology. Journal of Child Psychology and Psychiatry, 58(10), 1068–1080.

Centre d’évaluation neuropsychologique et d’orientation pédagogique. (n.d.). Dysphasie. https://cenop.ca/troubles-apprentissage/dysphasie.php

Clinique d’évaluation neuropsychologique et des troubles d’apprentissage de Montréal. (n.d.). La dysphasie : trouble spécifique du langage et de la communication. http://www.centam.ca/dysphasie.html

Duval, M. (2020). Haut potentiel intellectuel et trouble développemental du langage [mémoire de maîtrise, Université de Montpellier]. https://www.researchgate.net/profile/Margot_Duval/publication/342179566_Haut_Potentiel_Intellectuel_et_Trouble_Developpemental_du_Langage_Giftedness_and_Developmental_Language_Disorder/links/5ee79f9e299bf1faac560fad/Haut-Potentiel-Intellectuel-et-Trouble-Developpemental-du-Langage-Giftedness-and-Developmental-Language-Disorder.pdf

Dysphasie Québec. (n.d.). En définition. https://www.dysphasie-quebec.com/en-definition/

Ebbels, S. H., McCartney, E., Slonims, V., Dockrell, J. E. et Frazier Norbury, C. (2019). Evidence-based pathways to intervention for children with language disorders. International Journal of Language & Communication Disorders, 54(1), 3-19.

Ellemberg, D. (n.d.). La dysphasie : trouble spécifique du langage et de la communication. Association québécoise des neuropsychologues. https://aqnp.ca/documentation/developpemental/dysphasie/#:~:text=La%20dysphasie%20est%20un%20trouble,la%20compr%C3%A9hension%20du%20langage%20oral

Laasonen, M., Smolander, S., Lahti-Nuuttila, P., Leminen, M., Lajunen, H. R., Heinonen, K., Pesonen, A. K., Bailey, T. M., Pothos, E. M., Kujala, T., Leppänen, P. H. T., Bartlett, C. W., Geneid, A., Lauronen, L., Service, E., Kunnari, S. et Arkkila, E. (2018). Understanding developmental language disorder – the Helsinki longitudinal SLI study (HelSLI): A study protocol. BMC Psychology, 6(1), 24.

Laganière, J., Lauzier, G. et Delambre, J. (2015). Difficultés associées à la dysphasie. Centre de réadaptation Marie Enfant du CHU Sainte-Justine. https://readaptation.chusj.org/fr/Familles/Conseils-de-nos-professionnels/Sante-et-developpement/Difficultes-associees-a-la-dysphasie

McGregor, K. K., Goffman, L., Owen Van Horne, A., Hogan, T. P. et Finestack, L. H. (2020). Developmental language disorder: Applications for advocacy, research and clinical service. Perspectives of the ASHA Special Interest Groups, 5(1), 38-46.

Raising Awareness of Developmental Language Disorder. (2019). Comprendre le trouble développemental du langage [PDF]. https://radld.org/wp-content/uploads/2019/09/COMPRENDRE-LE-TROUBLE-D%C3%89VELOPPEMENTAL-DU-LANGAGE-TDL-French.pdf

Mise à jour le 13 janvier 2022